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Le bonheur au travail en tant qu’objectif pour une entreprise est une manipulation !

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Malgré le nombre de voix qui s’élève contre les simplifications des approches de l’entreprise libérée et du bonheur au travail, il n’est pas un jour sans voir une nouvelle publication vantant ses approches et ses bénéfices voire sa philosophie humaniste.

Le bonheur est vu comme un outil de performance, en effet le schéma est toujours le même on vous vend ces approches sous l’angle du gain de productivité attendu si l’on parvient à avoir des employés plus heureux, plus autonomes, plus libres.

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A dire vrai si on avait de belles infographies pour nous expliquer qu’un manager exigeant amène de meilleurs résultats qu’un manager bienveillant on aurait le même déroulé logique. Nous sommes dans du marketing d’approches se voulant nobles et humanistes mais qui s’appuient sur des critères de rentabilité. Rendez vos salariés libres et heureux et vous aurez moins d’absentéisme, plus d’engagement et une productivité en hausse.

L’instrumentalisation du bonheur

Nous sommes donc dans une instrumentalisation dont l’objectif demeure l’accroissement des résultats de l’entreprise en échange de quelques aménagements dans l’organisation, les lieux de travail et le management. Le bonheur vanté à un public si avide de sens et reconnaissance dans son travail est une magnifique manipulation pour tenter de susciter un peu de motivation parmi les troupes atteintes de burnout, boreout ou brownout. Il n’agit qu’en surface et amène à diminuer le taux d’encadrement pour vanter plus de liberté et d’autonomie sans s’appesantir sur le stress de nouvelles responsabilités et l’absence de reconnaissance salariale pour l’accroissement de la charge de travail et la montée en compétence. La satisfaction des salariés concernés d’avoir une hiérarchie moins pesante est généralement de courte durée quand ils comprennent les effets sur leur charge et temps de travail.

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Le bonheur à durée limitée des start-up

Le mauvais manager qui a conduit à transformer les employés en « robot biologique » est appelé à la rescousse pour rejeter l’ancien modèle qui amenait des milliers de personnes à souffrir au travail d’un manque d’écoute, de dialogue, de reconnaissance et d’autonomie ainsi que d’une mauvaise utilisation des compétences. On évoque la culture des start up et des jeunes Y ou millenians pour nous faire comprendre comment nos grandes entreprises sont has been et tristes sans se soucier du turnover respectif, des conditions de travail, de la culture spécifique tourné autour du leader créateur. A part les créateurs et investisseurs personne ne veut rester travailler dans une start-up plus de quelques mois et au plus deux ou trois ans. Pourtant vous avez de l’agilité, de l’autonomie, de l’horizontalité dans les rapports, des bureaux aménagés, des moments festifs tout ce que l’on vous vend comme critères de réussite désormais d’une entreprise. Au bout du compte vous avez aussi l’épuisement de ces jeunes qui mélangent vie professionnelle et vie personnelle jusqu’à travailler 12h00 par jour sans avoir de retours à la hauteur de l’investissement ni de perspective d’évolution de carrière. C’est une belle expérience mais ce n’est pas un modèle fait pour retenir les personnes ni attirer les plus âgés avec des contraintes familiales.

L’erreur de fixer le bonheur au travail comme objectif

Fixer le bonheur au travail comme objectif devrait amener l’entreprise à se mobiliser autour du bonheur de chaque salarié avec ce que cela relève de personnel et d’intime mais surtout ce que cela implique comme décalage avec les objectifs d’une entreprise. Une entreprise doit avant tout assurer son développement et sa rentabilité et pour les plus ambitieuses associer performance économique et sociale pour que sa croissance soit durable.

Le bonheur en objectif va conduire à une psychologisation des relations au travail avec une obligation de sembler toujours heureux, pour s’éviter des entretiens avec le Chief Hapiness Officer, et toute une série de mesure bien connues entre le well-beign et la multiplication des services aux salariés.

C’est une vision artificielle, qui colle au terrain et ne prend nullement en compte ce qui dysfonctionne dans l’entreprise et peut causer le désenchantement ou la souffrance des salariés.

Le bonheur au travail ne peut-être qu’une résultante heureuse et personnelle d’une politique globale de l’entreprise passant par l’organisation de l’entreprise, les valeurs qui guident les managers, la bonne santé des relations sociales, la qualité de vie au travail et enfin la qualité de l’expérience salarié.

Il n’y a pas de recette miracle pour y parvenir et les derniers chiffres de l’absentéisme montrent que rien n’a vraiment changé dans nos entreprises. Les RH ont un rôle capital à jouer pour remettre comme le dit H. Mintzberg « un peu d’âme dans l’entreprise ». Le lean management, les managers cost killer ont obtenu des résultats immédiats mais au prix de la perte du lien avec une majeure partie des salariés considérés comme de la ressource humaine et un centre de coût. La rupture entre le management et la base vient souvent du manque de temps accordé au dialogue pour redonner le sens aux activités et au travail ainsi que du manque de reconnaissance individuel par une attention bienveillante à l’implication des personnes. Le management se coupe de sa base par des outils de suivi d’activité, de reporting, d’évaluation qui sont loin de remettre l’humain au centre de l’entreprise.

Ajouter une bonne couche de bonheur aux dents blanches dans ces entreprises c’est juste cacher le malaise du corps social.

Le bonheur au travail est individuel et provient du sentiment d’être à sa place, reconnu pour ses compétences et son implication, bénéficiant de bonnes relations de travail, d’une capacité à être reconnu comme un acteur de la réussite de l’entreprise. Toutes les entreprises ne sont pas prêtes à adapter leur organisation pour de tels changements en profondeur et se limitent à une vitrine de communication vantant les offres de pilates, massage ou cours de cuisine à l’heure du déjeuner. Au passage on parvient d’ailleurs à un mélange des genres entre les œuvres sociales du CE et la politique sociale de l’entreprise qui demanderait à se compléter et non se concurrencer.

Du point de vue marque employeur on pourrait croire que c’est un investissement payant, mais si en dehors de ces nouveaux services, rien ne change dans la qualité du travail lui-même comme la satisfaction des salariés dans leur emploi, vous n’aurez pas d’expression positive de votre corps social sur les réseaux sociaux. Votre marque employeur ne sera pas habitée, portée par la parole de vos salariés mais uniquement par la vôtre.

Enfin vendre le bonheur au travail ne peut être que déceptif puisque le bonheur est bien fugace et certainement pas un état permanent. L’entreprise est aussi un univers de contraintes, de stress, de règlements, de liens de subordination et de rapports sociaux plus ou moins agréables ou conflictuels.

Soyons lucides et assez courageux pour nous éloigner de ces marchands de rêve.

Le bonheur n’est pas chose aisée. Il est très difficile de le trouver en nous, il est impossible de le trouver ailleurs.

Boudha


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